Pourquoi parler d’innovation managériale ?
De Claire Montret avec le concours de Stéphanie Arnaud, psychologue du travail et chercheur.
De nombreux entrepreneurs se posent en effet la question d’un management innovant sans pour autant oser casser les codes et les postures …
Pas facile, me direz-vous. Il faut dire qu’aucune recette miracle n’existe et qu’à chaque entreprise il est nécessaire de penser et de mettre en place son propre modèle managériale. Au sein du Centre des Jeunes Dirigeants, nous avons travaillé avec Stéphanie Arnaud, chercheur en psychologie du travail. Ces recherches ont guidés nos actions et expérimentations de consultants et Dirigeants.
Voici quelques principes clés à respecter pour réussir une évolution de vos pratiques managériales.
4 principes clés :
Donner de l’Autonomie
Le travail doit s’accompagner d’une zone d’autonomie pour le salarié, lui permettant d’exprimer sa personnalité et d’éprouver sa liberté. Concrètement, cela signifie d’une part, que le travailleur doit pouvoir, dans une certaine mesure, personnaliser et renormaliser son action, afin de l’adapter à ses spécificités et d’y inscrire une trace de sa personnalité. D’autre part, il doit pouvoir prendre des initiatives, réaliser des choix et participer à la détermination des moyens et des objectifs, afin de se sentir responsable et véritable auteur de sa tâche.
Développer les Compétences
Le travail doit offrir la possibilité au salarié d’exprimer les talents et qualités qu’il sent détenir en lui de façon potentielle, de relever des challenges stimulants, d’affirmer et de développer ses compétences.
Reconnaissance et écoute
La situation de travail doit permettre à la personne de se sentir reconnue « à sa juste valeur » et dans sa singularité. Le salarié doit se sentir écouté et compris par ses supérieurs. Des relations basées sur la confiance sont un pré-requis évident.
Respect de la singularité et de la subjectivité de la personne.
La prise en compte, l’écoute et le respect de la personne dans sa singularité et dans sa subjectivité constituent le socle d’un management humaniste. Par conséquent, la traduction en application concrète des principes énoncés précédemment, variera en fonction de la spécificité de chaque situation rencontrée : singularité des acteurs, de la culture d’entreprise, etc.

Les outils et pratiques managériales.
Pour satisfaire le besoin d’autonomie, les modes de management participatif et « délégatif » peuvent être mis en place, avec tous les outils et pratiques que cela implique (concertations, cercles de qualité, groupes de parole et de réflexion pour échanger les bonnes pratiques entre managers intermédiaires, information ascendante, souplesse dans l’organisation des activités et des tâches pour permettre à chaque salarié de « décider et prendre des initiatives», référentiels d’activité souples pour permettre une marge de renormalisation par le travailleur, etc.).
Pour satisfaire le besoin de compétence, l’enrichissement et l’élargissement des tâches, la rotation interne, la formation continue, l’octroi de responsabilités, etc., peuvent concourir directement à cet objectif, de même que la promotion interne et la gestion des carrières, lorsqu’elles visent à «employer et stimuler au mieux les compétences des personnes » et qu’elles ont pour objectif de « mettre chaque personne à la bonne place ». Un feed-back constructif peut être un bon outil pour stimuler les compétences des salariés. Les procédures d’évaluation et de feedback peuvent être jugées à travers :
– le degré d’explication des modes d’évaluation des compétences et performances des salariés,
– le degré d’utilité du feedback pour l’autoévaluation par le salarié de ses compétences : le manager transmet-il une information constructive ?
– le degré de menaces, sanctions et récompenses associées à l’évaluation des salariés et à la communication de ses résultats : le feedback a-t-il lieu sur un ton menaçant, dévalorisant, ou encourageant et stimulant ?
– les possibilités pour le salarié de discuter les résultats de l’évaluation.
Pour satisfaire le besoin de « reconnaissance et d’écoute », un dialogue régulier basé sur la qualité de l’écoute entre les subordonnés et leurs supérieurs hiérarchiques, une évaluation des performances et un système de rémunération perçus comme justes, tous les actes matériels ou symboliques qui sanctionnent l’importance du rôle occupé par le salarié (du simple « c’est bien ! » à l’avancement dans la carrière) lui permettent de se sentir « reconnu » (Peretti, 2004, 2005). Tout ce qui ennoblit la tâche contribue également à sa valorisation (titres, statuts, meilleure tenue vestimentaire, etc.).
L’innovation sociale au cœur de la fidélisation RH
V
éritable point faible / talon d’Achille des entreprises, facteur d’instabilité et source de coûts élevés, le turn-over se contre par la mise en place d’une stratégie RH orientée vers la fidélisation des salariés.
Quels sont les symptômes d’un défaut de fidélisation ? Quels leviers activer pour fidéliser les équipes ? Quels sont les impacts sur l’entreprise et comment se mesurent-ils ?
Essentielle pour la performance de l’entreprise, la fidélisation nécessite la mise en place d’une stratégie RH dédiée.
Défauts de fidélisations : symptômes et impacts
Un turn-over élevé est souvent symptomatique d’un problème de fidélisation au sein de l’entreprise. Au-delà de ce constat, il est important d’évaluer les profils concernés ainsi que les raisons des départs.
Quels sont les services les plus touchés par le turn-over ? Quelle est l’ancienneté des personnes qui quittent l’entreprise ? Et surtout quel(s) facteur(s) motive leur décision ?
Pour parler de « pathologie » d’entreprise et poser un diagnostic, il est nécessaire de constater plusieurs départs. Dans la majorité des cas, les principales raisons invoquées sont un problème relationnel avec la hiérarchie, un désaccord avec la direction ou un manque de sens concernant le travail réalisé.

Mais les départs peuvent également être motivés par un salaire jugé insuffisant, une surcharge de travail, l’absence de visibilité sur les évolutions possibles, la mauvaise ambiance de travail…
Ces constats sont souvent associés à d’autres symptômes : absence de politique RH (qui englobe l’intégration, la formation, la gestion des carrières…), management directif et managers surchargés, manque de souplesse dans l’organisation du travail (horaires, …).
Le turn-over élevé engendre un problème de stabilité à plusieurs niveaux : en interne au sein des équipes, et en externe vis-à-vis du client. Ses impacts : une image de l’entreprise dégradée, une baisse de la performance, une chute de motivation des équipes et des coûts complémentaires à supporter pour remplacer les départs (coûts de recrutement, d’intégration et de formation).
Pourquoi fidéliser ?
Pour Claire Montret, consultante RH : « Fidéliser permet de créer de la valeur, de capitaliser sur une équipe, des compétences, renforçant l’entreprise. Ainsi, la fidélisation des salariés favorise l’image de l’entreprise, la stabilité – et donc le moral – des équipes. Toutefois, le turn-over lorsqu’il est maîtrisé est aussi l’occasion de miser sur l’arrivée de nouvelles compétences, de changer les habitudes, d’insuffler de la nouveauté, d’apporter un regard neuf… ».
Leviers et stratégies de fidélisation RH :
La principale question qui se pose alors est : « Comment fidéliser ses salariés ? »
Il n’existe pas de recette miracle mais toute une palette de leviers à activer en fonction des attentes des collaborateurs et du profil de l’entreprise – très variables d’une entreprise à l’autre.
Comme le souligne Claire Montret, « avant de définir un projet pour mieux fidéliser, il est important de se poser la question : quelles sont les attentes des collaborateurs ? Qui sont ces collaborateurs ? »
C’est ce point de départ qui orientera l’entreprise sur les actions à mener : politique de rémunération, démarche QVT, plan de formation, aménagement du temps de travail…
Si l’on prend l’exemple d’une start-up qui attire de jeunes diplômés sur un marché tendu, les attentes des salariés porteront souvent sur l’ambiance de travail, la responsabilisation, l’innovation. Pour y répondre, les actions de fidélisation pourront s’appuyer sur la création de moments de convivialité, la souplesse dans la gestion du temps de travail, la mise en place d’une organisation qui favorise la délégation et la prise de responsabilités. (Lire aussi Le défi des starts up : Recruter … Et après)
Pour les entreprises du BTP ou de la restauration qui se caractérisent par des métiers et des conditions de travail souvent difficiles, les actions pourront davantage être axées sur la politique sociale, la formation et l’employabilité : former pour consolider des socles de compétences (programme CLEA), travailler les parcours professionnels pour favorise la progression en interne, améliorer les conditions de travail par la mise en place de navettes de ramassage, par exemple…

L'exemple de la fidélisation chez Convers
Sur la question de l’innovation sociale et de la fidélisation, le centre d’appels niçois Convers est intéressant. Embauchant 200 salariés dont 75% de femmes et 37% de plus de 45 ans, l’entreprise mise sur des profils atypiques pour offrir des prestations de haute qualité et se distinguer de ses concurrents offshores.
Philippe de Gibon, à la tête de Convers depuis 1998, met ainsi l’innovation sociale au cœur de sa stratégie : formation, dialogue social, locaux et équipements ergonomiques constituent des leviers efficaces de fidélisation… Mais ce qui est le plus apprécié des collaborateurs est la souplesse introduite dans l’organisation du travail avec le temps de travail convenu qui permet de choisir son temps de travail hebdomadaire (25,30 ou 35h) et de pouvoir modifier ses horaires d’une semaine sur l’autre.
Comment mettre en œuvre une stratégie de fidélisation RH ?
Le point de départ de la stratégie de fidélisation RH est le diagnostic. Selon Claire Montret, consultante RH, « la mise en œuvre n’est pas compliquée dès lors qu’elle répond aux attentes des collaborateurs. Il est donc essentiel de les consulter pour ne pas se tromper. Questionnaires, ateliers, boîte à idées : toutes les formes de consultation peuvent être utilisées. Ensuite, il sera important d’expliquer que les actions visent à répondre aux attentes de la majorité et qu’elles ne pourront donc pas satisfaire 100% des salariés et des demandes. »
L’implication des acteurs de l’entreprise sera ensuite indispensable pour garantir le succès de la politique RH : la direction, pour donner l’impulsion et suivre le développement, les représentants du personnel pour la mise en place d’un dialogue social constructif… et les managers centraux dans la conduite du changement.
Enfin, la mise en place d’indicateurs pour évaluer la réussite d’une politique RH permet de réajuster les actions. Le turn-over, le taux d’absentéisme, le nombre de personnes formées et l’évaluation des compétences constituent des indicateurs RH classiques, qui peuvent être complétés par des questionnaires adressés aux collaborateurs pour une évaluation qualitative.